Gér@rd a écrit:[...]
J'admire l'horlogerie classique (les aspect techniques et fonctionnels seulement, les anglages/perlages/bouchonnages et autres fioritures ça ne m'intéresse quasiment pas). Un calibre El Primero par ex m'attire pour son fonctionnement en douceur et un brave 7750 m'attire aussi mais plus pour sa robustesse. Et pour moi c'est principalement de l'esthétique fonctionnelle que se dégage l'harmonie d'une montre.
Je comprends très bien cela.
Gér@rd a écrit:Mais chaque genre a ses chefs d'œuvres, et la montre "sociale" a eu des réalisations intéressantes depuis le grand Roskopf jusqu'aux Swatch basiques des origines en passant par ces calibres économiques des années '60. Et ce que j'admire c'est l'ingéniosité de l'horloger qui a eu l'idée et qui l'a amenée jusqu'au bout (par ex, le pont "simplifié" dont je parle dans ce calibre Bettlach). Il faut amha beaucoup plus de génie horloger pour concocter cette idée et la mener à bien (ça parait simple mais ça ne l'est pas tant que ça) que pour concevoir la nième variante d'un mouvement bien classique. Et (je le reconnais c'est un peu pervers) ce qui m'amuse un peu c'est aussi la "désacralisation" de l'horlogerie
Je suis aussi en accord avec ça.
Gér@rd a écrit:Quant à la pérennité c'est pareil, je crois qu'il faut de tout pour faire le monde d'un collectionneur. C'est juste une composante parmi tant d'autres qui rentrent en ligne de compte. Là dans tous ces types de mouvements ce qui est intéressant (comme tu l'as dit) c'est l'aspect sociologique (Roskopf voulait que tout le monde puisse avoir une montre). Et dans les calibres des années’60 c'est effectivement l'arrivée de la consommation de masse et du jetable. Je me rappelle encore de l'arrivée en France des premiers objets jetables : "les briquets Cricket", au début des années’60 (j'étais lycéen et je fumais en cachette mes premières cigarettes). Cela avait soulevé un véritable tollé à l'époque ! Les gens ne comprenaient pas pourquoi on jetait quelque chose qui (rechargé) aurait parfaitement pu resservir !
Là, ces calibres "jetables" des années’60 nous gênent simplement parce qu'ils sont mécaniques et qu'en 2012 notre conception de l'horlogerie mécanique est celle du luxe et que le marketing nous présente ça comme de purs produits artisanaux conçus avec amour pour l'éternité.
Pas forcément, on peut avoir le gout de la réutilisation sans pour autant répondre aux sirènes du marketing, mais davantage comme position - si j'osais - philosophique, politique et esthétique.
Philosophique en supposant avec Démocrite que tout est matière et qu'on ne fait jamais que la transformer, et que
jeter c'est d'une certaine façon signer l'arrêt de mort (désolé pour cette pathétique envolée romantique, mais je ne trouve pas mieux à cette heure ci) dans les étapes de transformation de ladite matière ; alors que
réparer, faire une
seconde vie c'est poursuivre la transformation, le mouvement, la vie
Politique, car tout objet
est une part d'activité humaine et qu'a ce titre elle mérite quelques égards et c'est rendre hommage à son concepteur mais aussi à son réalisateur que de prolonger son fonctionnement.
Esthétique, enfin, car comme tu le dis, on n'a pas attendu le
Bauhaus pour se rendre compte que la forme et la fonction sont entrelacés et entretiennent des rôles complexes qui nous font rejouer éternellement la pièce qui les met en scène et nous donne à voir dans ces réalisations la main de l'homme, si souvent bien inspirée.
Merci pour tes remarques et tes photos
Gér@rd car elles forcent à penser !
«Nous les gueux/ nous les rien/ nous les peu/ nous les chiens/ nous les maigres/ nous les Nègres/ Qu’attendons-nous/ Qu’attendons-nous pour faire les fous/ pisser un coup/ tout à l’envi/ contre la vie/ stupide et bête/ qui nous est faite ? »
(Léon-Gontran Damas - cité par Christiane Taubira)