On entend souvent dire que les montres en or sont inabordables à cause du prix des métaux précieux. C'est vrai que quand on voit les tarifs des manufactures suisses, on frémit. Et puis quand on a fini de frémir, on sort sa calculette.
Prenons comme exemple la Blancpain L-Évolution phase de lune 8 jours (mais le raisonnement reste valable pour n'importe quelle autre manufacture suisse). Ce modèle coûte 16000 euros en acier et 28000 euros en or rose, soit une différence de 12000 euros due principalement, à n'en pas douter, au prix de l'or mis en œuvre.
Voilà pour les préliminaires. Considérons maintenant le poids de métal jaune contenu dans la boîte de cette montre. Je serai très généreux en disant 30 grammes. Comme la plupart des boîtes de montres suisses, je suppose qu'il s'agit d'or 18 carat, c'est-à-dire 75% d'or et 25% d'autres métaux. Le poids réel de l'or mis en œuvre est donc de 30 x 0,75 = 22,5g. Le cours du gramme d'or pur sur le marché spot est de 21,31 euros, soit 479,48 euros pour 22,5g.
Il y a donc pour moins de 500 euros d'or dans cette montre et il nous est facturé 12000 euros par Blancpain. Cherchez l'erreur...
Évidemment, le marchand de montres du café du commerce va répliquer que l'or transformé coûte plus cher que l'or pur. Mais alors pourquoi une Festina 3 aiguilles acier coûte 79 euros, tandis que la même en or 18 carats coûte 650 euros, soit une différence de 571 euros, et non pas 12000 euros comme chez Blancpain ?
Mon marchand de montres ajoute alors que les moyens industriels mis en œuvre pour fabriquer une boîte en or ne sont pas les mêmes : le travail de l'or coûte cher, le recyclage des déchets aussi. Sans compter que l'argent bloqué à cause du stock d'or représente des millions.
Ce raisonnement n'est pas très flatteur pour Blancpain, car il nous amène à penser que c'est une société bougrement inefficace et mal gérée. Jugez plutôt : si elle vend si cher ses montres en or, c'est que l'or transformé lui coûte plus cher qu'à Festina (le service chargé des approvisionnements ne doit pas être bien performant), que ses moyens industriels sont diablement moins efficaces, qu'elle jette tous ses copeaux d'or directement à la poubelle et que son stock d'or est plus coûteux à gérer que celui de Festina...
En outre, je vis en Asie depuis de nombreuses années et ici l'or a un statut particulier d'instrument de placement pour tout un chacun. Un jour, M. Tout-le-monde a un petit excédent de trésorerie. Il va chez le bijoutier et achète un collier en or pour sa femme. Le bijoutier a le cours de l'or affiché dans sa boutique et lui vend le bijou au prix de l'or (en Asie c'est toujours 24 carats, donc de l'or pur) plus une somme modeste pour la façon. M. Tout-le-monde rentre fièrement à la maison et offre le collier à a douce. Quand il a besoin de liquidités, il explique gentiment à son épouse que les temps sont durs et il va revendre le collier dans la bijouterie où il l'avait acheté qui le lui reprend au cours du jour de l'or. Il n'a perdu que le prix de la confection du bijou, qui ne représente pas grand chose (il a même pu faire un profit si le cours de l'or s'est apprécié entre-temps). C'est bien la preuve que le travail de l'or n'est pas si complexe qu'il justifierait une marge importante pour le fabricant. Et il me semble même utile de rappeler que l'or est un métal très mou et donc très facile à travailler.
Certaines manufactures suisses font la culbute 50 fois sur leur gamme de montres or, ça doit être ce qu'elles s'appellent vendre du rêve !
Amitiés,
Abbazz