Les campagnes anticorruption lancées par le gouvernement chinois devraient peut-être « ralentir » la croissance, mais en aucun cas la stopper.
Le Nouvel An chinois, qui a inauguré, vendredi 31 janvier, l’année du cheval, constitue le pic des ventes annuelles des cadeaux de valeur dans l’ex-empire du Milieu. C’est donc une semaine décisive pour les géants du luxe.
Stephen Urquhart, président monde d’Omega, filiale du groupe Swatch, de passage à Paris, explique au Monde que « la Chine est devenue notre premier marché depuis six ans ». Pionnière, la marque de montres y est implantée depuis une vingtaine d’années et compte aujourd’hui 17 boutiques en propre et 120 magasins détenus par des partenaires en Chine continentale (hors Hongkong et Macau).
Omega est particulièrement présent dans les grandes villes du nord et de l’est de la Chine. Avec un prix de vente moyen situé dans une fourchette de 4 000 à 10 000 euros la montre, Omega vise, avec ses collections, « la classe moyenne, importante, qui s’est fait jour » dans ce pays.
Les campagnes anticorruption lancées par le gouvernement chinois – qui ciblent surtout des montres beaucoup plus chères et plus bling bling –, devraient peut-être « ralentir » la croissance, mais en aucun cas la stopper, dit-il. « Il est vrai qu’en Chine, la tradition des cadeaux existe depuis des millénaires et qu’effectivement, la personne qui en offre attend souvent d’obtenir quelque chose en retour. » A ses yeux, il y a eu pendant des années, beaucoup d’abus dans la corruption des fonctionnaires qui ont reçu des cadeaux somptuaires et le gouvernement essaye aujourd’hui, « à sa manière, de mettre de l’ordre ».
M. Urquhart est persuadé que « les Chinois sont pragmatiques et que rien n’est ni tout blanc ni tout noir avec cette nouvelle législation. Les consommateurs chinois continuent d’avoir de l’argent. Dans leur esprit, la montre joue un rôle assez important. Ils adorent la tradition, l’histoire d’Omega, la technique », assure-t-il. Le PDG du groupe parie en tout cas sur « une reprise » des ventes en Chine « en 2014. Après des années de croissance à deux chiffres, suivies d’une année de stabilité en 2013, aujourd’hui, on sera content avec une croissance modérée, à un chiffre ».
LA CONCURRENCE DU MOBILE
Une autre loi récemment promulguée en Chine pourrait également avoir des répercussions sur les ventes de montres. Il s’agit de la protection des touristes chinois à l’étranger. De nombreux tour-opérateurs qui proposaient à prix cassés un vol et un hôtel dans une destination touristique asiatique, comme Bangkok, Hongkong ou Haiwaï, ramassaient la mise en empochant d’énormes commissions sur les achats de produits de luxe. Ces pratiques sont devenues bien plus réglementées.
La filiale du groupe Swatch espère atteindre 2,5 milliards de francs suisses (2 milliards d’euros) de chiffre d’affaires en 2013, malgré un fort effet négatif des taux de changes. Son PDG reste confiant sur les résultats de 2014. Partenaire des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en Russie, la marque sera pour la 26e fois depuis 1932 le chronométreur officiel de cette manifestation. Pour l’occasion, neuf gigantesques horloges ont été placées sur l’ensemble du territoire russe. En vue des Jeux olympiques de 2016, Omega compte également renforcer encore sa présence au Brésil. Même si, en raison des très fortes taxes à l’importation dans ce pays, la marge sur les montres y est bien moindre qu’ailleurs.
Omega, qui compte aujourd’hui 300 boutiques dans le monde et 2 500 points de vente franchisés, a radicalement modifié sa stratégie de distribution. Il y a quinze ans, la marque était vendue dans 8 000 points de vente. Depuis, l’objectif est de commercialiser les montres dans des boutiques exclusives. « Un consommateur cherche aujourd’hui une marque, pas une montre », explique le PDG.
Alors que dans les années 1970, on prédisait la fin des montres mécaniques – ce qui ne s’est pas passé –, la question sur toutes les lèvres aujourd’hui est de savoir jusqu’à quand les clients achèteront tout simplement des montres. Dans la mesure où chacun peut lire l’heure sur son téléphone portable, « le besoin d’une montre n’existe plus », concède M. Urquhart. « On souhaite, en revanche, avoir une montre parce qu’elle a une histoire, c’est un investissement, un objet pérenne. Parfois parce que cet objet représente l’avant-garde », dit-il, en montrant à son poignet une montre en céramique noire, la petite sœur de celle portée par les premiers astronautes qui ont marché sur la Lune.